La situation de l’horlogerie suisse au début des années 1930 est pourtant dramatique. Les faillites se succèdent, près de 20 000 horlogers sont au chômage. Banques et associations horlogères vont alors jouer leur va tout. Le principe de base c’est que la stratégie qui a présidé à la création d’Ebauches S.A. est la bonne. Simplement, elle n’a pas été menée jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la concentration complète de l’ébauche. On concocte alors le plan d’action suivant :
- Constitution d’une super holding avec participation égale de l’industrie et des banques,
- Acquisition par la super holding de la majorité des actions d’Ebauches S.A.,
- Participation financière de la Confédération,
- Concentration des fournitures essentielles de la montre, soit, assortiments, balanciers et spiraux, et acquisition par la super holding de la majorité des actions de ces concentrations.
C’est ainsi qu’est créée le 14 août 1931 la Société Générale de l’Horlogerie Suisse S.A. plus connue sous le nom d’Allgemeine Schweizerische Uhrenindustrie A.G. ou ASUAG, et qu’elle se dote de son premier président, Hermann Obrecht.
Premières tâches urgentes pour l’ASUAG : les finances. Car vouloir réaliser la concentration des ébauches et des branches annexes demande beaucoup, beaucoup d’argent. Et même en raclant les fonds de tiroirs de l’ASUAG et des banques, il en manque. Les analystes se permettent même le luxe d’être précis : il manque 13,5 millions de francs suisses. On va alors mettre en pratique le point trois du plan d’action en allant taper à la porte de la Confédération.
Il n’est pas banal qu’un Etat aide financièrement une société de droit privé. Mais la situation est particulière : d’une part il y a le nombre impressionnant d’horlogers au chômage ; d’autre part l’horlogerie n’est pas considérée en Suisse comme une industrie comme les autres. C’est un trésor national qui véhicule dans le monde entier une image et des valeurs dont les retombées pour le pays dépassent largement le seul chiffre d’affaires réalisées par les montres à l’exportation.
Après de nombreuses tractations, le 11 septembre 1931 la Confédération Suisse entre dans le capital de l’ASUAG à hauteur de 6 MF et accorde un prêt sans intérêt de 7,5 MF remboursable par annuité de 1 MF à partir de 1934. Désormais l’ASUAG a le champ libre et la concentration de l’ébauche et des parties réglantes va être menée au pas de course. Dès 1932 sont créés Les Fabriques d’Assortiments Réunis S.A. et Les Fabriques de Balanciers Réunis. La même année Ebauches S.A. rachète Manzoni, Moser, Peseux, Fleurier, Ed. Kummer S.A. (montres Atlantic) et deux fabriques mixtes (mouvements et montres complètes) qui méritent qu’on s’y attarde : A. Reymond S.A. et Eterna.