Time To Tell Chronographs for collectors

La fabuleuse histoire d’ETA, chapitre 3 : de l’âge d’or aux prémices de la grande crise

26 mai 2016

Angélus 1956

Entre 1945 et 1960 l’horlogerie suisse va connaître quinze ans de croissance quasi continue. La production annuelle de montres et mouvements va plus que doubler, passant de 18,8 à 41 millions d’unités. Les mesures protectrices interdisant la création de nouvelles fabriques d’ébauches sont prorogées au début des années 1950 puis assouplies par la suite. Mais ce qui a probablement sauvé l’industrie horlogère dans les années de crise va se retourner contre elle : les fabricants d’ébauches restés indépendants ont les plus grandes difficultés à lutter contre la puissance du trust Ebauches S.A. Ils disparaîtront progressivement, et ce sera la fin des ébauches Angélus, Excelsior, Universal, Movado…

Au début des années 1960 la Suisse va être confrontée à une forte poussée de la concurrence étrangère. Il faut dire que l’industrie horlogère s’est reconstruite dans la plupart des pays où elle avait gravement souffert du deuxième conflit mondial. La France et l’Allemagne ont désormais des positions fortes sur leur territoire, et les États-Unis ou le Japon abordent avec de plus en plus de succès leurs marchés extérieurs grâce à des sociétés de taille importante (Timex, Seiko) produisant des montres bon marché par millions d’unités. En Suisse le tissu industriel est très morcelé : il y a plus de 3000 entreprises horlogères et 80 % d’entre elles comptent moins de 20 personnes.

Pour réduire les coûts et pour que les sociétés atteignent la taille nécessaire pour lutter à armes égales avec les groupes étrangers, l’ASUAG, avec l’aide des banques, va alors à nouveau se lancer dans une vaste campagne de concentration.

Synchron 1973

C’est ainsi qu’en 1966 est créée Chronos Holding qui rachète Cyma/Tavannes, prend une participation dans Gruen et crée en 1968 le groupe Synchron regroupant Ernest Borel, Doxa et Cyma. En 1971 l’ASUAG crée la General Watch Co. (G.W.C.) regroupant les marques Certina, Edox, Eterna, Mido, Oris et Technos, et la même année rachète Longines, déjà propriétaire de Record et Rotary.

La concentration se poursuit également du côté des mouvements : en 1967 Ebauches S.A. rachète Durowe en Allemagne et Sefea à Annemasse en France.

Tout va alors pour le mieux, les outils de production tournent à plein régime, en 1974 la Suisse va fabriquer plus de 84 millions de montres.

Solvil 1974

Mais ce qui se profile à l’horizon est noir. Très noir. On a coutume de dire que la crise qui va frapper l’horlogerie suisse à partir de 1975 est celle du quartz. Mais le quartz suisse a été mis au point relativement tôt : en 1974 un bon nombre de montres suisses vendues étaient des montres à quartz. En fait les industriels ne s’attendaient probablement pas à la désaffection brutale pour la montre mécanique et surtout à l’impressionnante chute des prix.

Car la mesure du temps changeait là de nature : c’était les règles fulgurantes de l’électronique qui prévalaient et non plus celles, beaucoup plus lentes, de la mécanique de précision. Mais le quartz n’est pas seul en cause. En 1973 c’est le premier choc pétrolier et l’année d’après commence une récession économique planétaire. Pour corser le tout, le Franc Suisse est réévalué et en quelques années il va gagner 70 % de sa valeur.

Doxa 1983

La situation va alors devenir dramatique. Entre 1974, année record, et 1983, le nombre de montres et mouvements fabriqués en Suisse passe de 84,4 millions à 30,2 millions, soit une chute de près de 65 %. Des centaines d’entreprises disparaissent, des dizaines de milliers d’emplois sont supprimées. L’ASUAG n’a de solutions que celles du désespoir : en 1978 ETA et Schild fusionnent, le groupe Synchron est dissous, Borel, Doxa, Cyma sont vendues. En 1980 le nombre de calibres produits par Ebauches S.A. est drastiquement réduit de 136 à 40. L’année d’après l’ASUAG perd plus de 44 millions de francs suisses. En 1982 l’ensemble des fabriques d’ébauches fusionne au sein d’ETA, Oris est vendue, les pertes dépassent les 156 millions de francs.

Nous sommes là au bord du gouffre cher lecteur. Mais je dois ici introduire un nouvel acteur, autre géant aux pieds d’argile : la Société Suisse pour l’Industrie Horlogère ou SSIH.

A suivre…