Time To Tell Chronographs for collectors

La véritable histoire de Glycine

18 mai 2024

Joël Pynson

La Fabrique d'Horlogerie La Glycine fut l'une des premières fabriques suisses à commercialiser des montres automatiques au début des années 1930, et certains de ses modèles comme l'Airman ou la Vacuum sont aujourd'hui recherchés par les collectionneurs.

Comme souvent, l'histoire de l'entreprise est difficile à reconstituer, et les informations disponibles sur l'Internet sont assez fantaisistes[1]. Ce sont donc les documents d'époque qui vont nous permettre de brosser un tableau un peu plus réaliste de cette belle fabrique.

  1. Histoire de l'entreprise

1.1 Création à Bienne

FOSC 1914

La Fabrique d'Horlogerie La Glycine a été créée en 1914 à Bienne par Charles Perret, Georges Flury et Fernand Engel[2].

Plusieurs marques comme Glycine ou Piccola ont été déposées par l'entreprise en 1914, et en 1916 la fabrique est renommée Fabrique d'horlogerie La Glycine, Piccola et Joffrette[3].

La société fabrique ses propres mouvements, c'est donc une manufacture au sens horloger du terme. Il s'agit de mouvements à échappement à ancre destinés à des montres-bracelets pour dames et pour hommes, dont les dimensions vont de 8 à 13 lignes. Bienne était alors une ville spécialisée dans les calibres de petites dimensions et on y produisait des montres-bracelets depuis la fin du 19e siècle.

1919

Entre 1917 et 1923 la gamme de calibres produits par La Glycine s'étoffe avec des mouvements dits « de forme », c'est-à-dire rectangulaire ou de forme tonneau. Les montres-bracelets produites sont plutôt destinées aux dames.

En 1923 la société est à nouveau renommée, et redevient Fabrique d'horlogerie La Glycine[4]. Curieusement, la même année les créateurs de Glycine vont créer à Bienne une autre fabrique : la Manufacture d'horlogerie Pretty SA. Les objectifs de la création de cette entité sont assez obscurs. Elle sera renommée Pretto SA en 1927.

Les montres, toujours pour dame, deviennent plus luxueuses et décorées. Certaines sont en or ou en platine.

En 1925, Glycine ouvre une succursale à Plainpalais à Genève[5], ce qui lui permet de réaliser des mouvements arborant le prestigieux poinçon de la ville de Genève.

1932

La qualité des calibres Glycine est attestée par l'obtention de nombreux certificats de chronomètres. Dès 1923 la manufacture revendique des bulletins de première classe délivrés par le Bureau Officiel de contrôle de la marche des montres de Bienne, et un premier prix à l'Observatoire chronométrique de Neuchâtel en 1928.

La société va subir de plein fouet la grave crise horlogère que la Suisse a connu à la fin des années 1920 et qui a conduit à la création des trusts horlogers comme Ébauches SA et l'ASUAG. Fernand Engel vend des mouvements à l'étranger et tente ouvertement de s'opposer à la création des trusts[6].

En 1931 La Glycine est la première entreprise à produire les mouvements automatiques mis au point et breveté par Eugène Meylan qui a créé la société Automatic EMSA pour les vendre[7]. La même année Glycine présente un minuscule calibre baguette de seulement 6,5 x 20 mm. Lancement également de montres sans aiguilles, à heures sautantes.

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Eugène Meylan, EMSA et Autorem

Eugène Meylan à La Chaux-de-Fonds a travaillé dès 1930 sur un système de remontage automatique particulièrement ingénieux[8]. C'est un système avec une masse oscillante de type Harwood, mais ici l'ensemble du mécanisme et la masse oscillante sont compris dans une cage circulaire qu'il suffit de fixer sur le mouvement à l'aide de 3 vis. La montre pouvait être mise à l'heure avec sa tige de remontoir habituelle. Le dispositif était commercialisé par la société Automatic E.M.S.A (Eugène Meylan SA) et fut d'abord utilisé en 1931 par la société La Glycine[9] à Bienne, qui fabriqua d'ailleurs l'année d'après des versions avec boîtes carrées, probablement les premières montres carrées à remontage automatique.

1931

Mais en 1933 les brevets de la société Automatic E.M.S.A. ont été repris par Georges Henry, directeur de la Fabrique Ilosa à Genève, qui en revendiquait les droits, et qui a autorisé Glycine à vendre des mouvements automatiques à d'autres fabricants. Ceci explique probablement que d'autres sociétés, comme F. Suter & Co. (montres Hafis), ou Ogival, ont commercialisé des montres automatiques E.M.S.A.

1934

Georges Henry a également repris les brevets suisses CH 159 711 et 712 de la société Invicta, qui sont en fait des améliorations du système EMSA[10]. Il a ensuite créé avec Adolphe Neumann la société Autorem pour commercialiser ses mouvements automatiques[11], par exemple à Perret & Berthoud (Universal). Adolphe Neumann était aussi administrateur d'Etna et Empire Watch et avait également déposé un brevet[12] sur l'amélioration du système EMSA et commercialisait lui aussi des montres automatiques Autorem[13].

En 1935 l'ensemble des droits sur les brevets Meylan furent transférés à La Glycine qui fabriqua des montres automatiques sur ce principe jusqu'en 1942, date à laquelle Glycine céda sa fabrique de mouvements et les brevets EMSA à Ébauches SA.

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En 1933 Charles Perret et Georges Flury démissionnent et sont remplacés par les fils de Fernand Engel, Fernand Engel fils, Vital et Louis-Paul[14]. La manufacture produit alors une vingtaine de calibres différents et propose des montres étanches, des montres-stylos, des montres-bijoux et des clips. La présence de Glycine à la Foire de l'horlogerie de Bâle est attestée dès 1933[15].

Vers 1940, Glycine produit ses premiers chronographes.

1945

En 1942 Fernand Engel fils décède, et les droits d'ébauches de l'entreprise sont cédés à Ébauches SA. L'entreprise cesse donc d'être une manufacture et s'adressera dès lors à Ébauches SA pour ses mouvements. D'où l'arrivée de montres calendrier et de montres à cadran régulateur, mais la spécialité reste la montre automatique étanche.

Fernand Engel père décède en 1945.

1946

En 1948, La Glycine devient une S.A. avec comme directeurs Vital Engel, Otto Straub et Werner Bögli. L'entreprise produit des chronomètres testés au bureau officiel de contrôle de Bienne.

1.2 Période Charles Hertig

En 1951, Glycine est reprise par les frères Kurth, propriétaires de la Fabrique Kurth Frères (montres Grana et Certina), et par Charles Hertig, membre du conseil d'administration de Kurth Frères. Le conseil d'administration de Glycine est alors composé de Hans Kurth, Charles Hertig, Erwin et Adolf Kurth. Mais dès 1953, les frères Kurth se retire de la société et Charles Hertig reste seul président de Glycine.

1950

Charles Hertig était un entrepreneur très actif. Formé chez Omega et Certina, il avait repris en 1950 la fabrique d'horlogerie Altus qu'avait créée Hans Troesch à Genève en 1920[16]. Son père dirigeait une imprimerie à Bienne et il en assura aussi la présidence du conseil d'administration[17]. C'est grâce à lui que Glycine va connaître un second souffle.

En 1953 la marque Airman est déposée. La montre sera présentée à la Foire de Bâle en 1955.

En 1960 Glycine innove avec la montre Vacuum, montre dont le mouvement est placé sous vide pour éviter poussière et humidité.

1961

1967

En 1962 Glycine et Altus fusionnent et deviennent Fabriques d'horlogerie Glycine & Altus S.A. Charles Hertig en est le président[18].

Charles Hertig décède en 1966. La direction de Glycine reste dans les mains de la famille Hertig avec Charles-Théodore et Andréas Hertig.

Vers 1969, lancement du chronographe Elapsograph, parfois appelé SST. Il existe une version GMT de ce chronographe.

En 1972 Glycine & Altus rejoint le groupe Ditronic SA avec Buttes Watch, Delvina, Milus et Wyler. Cela permettra le lancement d'une montre à quartz Ditronic à affichage LCD par les sociétés membres.

1972

1.3 De 1984 à nos jours

En 1984 Hans Brechbühler reprend l'entreprise des mains de Charles Hertig Jr. La fille d'Hans Brechbühler, Katerina, rejoint son père en 1992.

Un nouveau modèle Airman est relancé en 1998.

1998

En 2011 l'entreprise est reprise par Altus Uhren Holding. Stefan Lack dirige l'entreprise[19].

En 2014 le groupe zurichois DKSH prend une participation majoritaire.

DKSH a revendu Glycine au groupe Invicta en 2016[20].

  1. Principaux modèles de montres Glycine

2.1 Airman

Modèles Airman présentés en 1955

Modèle Airman Special, c. 1960

Développé à partir de 1953, le modèle Airman a été présenté à la Foire de Bâle en 1955. C'est une montre remarquable, conçue avec l'aide de pilotes de ligne. Elle comporte un cadran 24h et une lunette mobile également de 24h pour le réglage sur un deuxième fuseau horaire. Elle est automatique et possède la date par guichet à 3h. En tirant sur la couronne de mise à l'heure la trotteuse s'arrête à 60 ce qui permet une mise à l'heure à la seconde. Ce modèle a connu de multiples variantes et il est toujours fabriqué aujourd'hui.

Une version quartz du modèle Airman a été lancée en 1978.

À partir de 1998, Glycine a lancé plusieurs nouveaux modèles Airman munis de calibres automatiques.

2.2 Vacuum

Cette montre a une boîte monobloc, un verre minéral, et un vide (vacuum) importante est créée à l'intérieur de la boîte. Les avantages sont nombreux : pas d'humidité dans la boîte, pas de poussières, donc pas d'oxydation des pièces et des huiles, plus grande régularité de marche, et une étanchéité équivalente à 250 mètres de profondeur. Du fait du vide, le réglage de la montre devait être adapté, car le balancier tournait plus vite. C'était d'ailleurs un témoin en cas de perte du vide dans la boîte : la montre se mettait à retarder d'environ 15 secondes par jour.

Le brevet[21] concernant les boîtiers sous vide, déposé en 1959, n'était pas de Glycine, mais d'Hans-Ulrich Klingenberg. Ceci explique peut-être que d'autres entreprises aient pu produire des montres utilisant ce principe, comme Jaquet-Girard (modèles Airvac 400 et Airvac 800), ou Marvin.

1968

[1] L'exemple le plus surprenant est l'attribution de la création de l'entreprise à Eugène Meylan, que l'on retrouve même dans l'histoire « officielle ». Voir par exemple Wikipédia : https://en.wikipedia.org/wiki/Glycine_(watch)

[2] FOSC 1914

[3] FOSC 1916

[4] FOSC 1923

[5] FOSC, 1925

[6] Johan Boillat, La liberté n'a pas de prix ! Les dissidents du cartel horloger suisse, Chronométrophilia, 2003, 77, p. 65

[7] Revue Internationale d'Horlogerie, 1931, p. 209

[8] Brevets CH 149 137 déposé le 15 octobre 1930, et CH 149 138 déposé le 24 octobre de la même année

[9] Rappelons qu'Eugène Meylan n'est pas le créateur de la société Glycine (FOSC)

[10] FOSC 1933

[11] FOSC 1933

[12] Brevet CH 170 501

[13] Des montres Universal ayant utilisé le système Autorem, certains auteurs ont affirmé que la célèbre entreprise genevoise était à l'origine de ces mouvements, ce qui ne semble pas être le cas. Cette erreur est reprise sur le site officiel de la marque : https://universal.ch/histoire-et-chronologie/

[14] FOSC 1933

[15] Revue Internationale d'Horlogerie, 1933, 6, p. 66. Dans l'histoire officielle de la marque il est fait mention que Glycine était l'un des 29 exposants de la Foire 1938. Or il y avait 44 fabricants de montres qui ont exposé cette année-là. Voir Revue Internationale d'Horlogerie, 1938, 6, p. 95

[16] FOSC 1920

[17] Journal Suisse d'Horlogerie, 1966

[18] FOSC 1962

[19] FOSC 2011

[20] https://www.reuters.com/article/idUSFWN1AR13Y/

[21] CH 355742  https://worldwide.espacenet.com/publicationDetails/originalDocument?CC=CH&NR=355742A&KC=A&FT=D&ND=3&date=19610715&DB=&locale=fr_EP

Notes : 

Concernant Time To Tell : Time To Tell dispose de l'une des plus grandes bases de données privées numérisées sur l'histoire de l'horlogerie suisse avec plus de 2,3 To de données sur plus de 1000 fabricants de montres suisses. Cette base a été construite sur une période d'une trentaine d'années et continue à être alimentée d'environ 50 à 100 Go de données chaque année. Cette base de données est constituée de documents anciens, en majorité des revues professionnelles suisses, allant de la fin du 19e siècle à la fin du 20e siècle. La plupart de ces documents ne sont pas disponibles sur l'Internet. Les articles historiques publiés sur le site time2tell.com citent toujours les sources utilisées.

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