27 janvier 2022
Par Joël Pynson.
Minerva est reconnu par tous les collectionneurs de chronos vintage pour ses qualités esthétiques et la superbe finition de ses calibres. Pourtant il y a un chronographe Minerva qui fait exception : celui équipé du curieux calibre 52. C'est le seul calibre Minerva manufacture que l'on ne souhaite pas trop montrer !
Pour les amateurs de chronographes anciens, le calibre Minerva 13/20 est un must. De surcroît ce calibre est toujours monté dans de superbes montres avec de belles boîtes et de beaux cadrans.
Chronographe Minerva avec calibre 13/20
Extérieurement ce chronographe Mercure est également superbe : belle boîte, compteurs surdimensionnés et belles aiguilles. Pourtant quand on découvre le mouvement on reste perplexe : pas de roue à colonne, pas de pièces anglées et polies, des ressorts fils et même un ressort boudin que l'on trouve habituellement dans les compteurs de sport bon marché ! Comment un tel mouvement peut-il se retrouver dans un chronographe Minerva ?
Chronographe Mercure muni du calibre Minerva 52
Il faut pour cela replacer cette montre dans son contexte. A la fin de la 2ème Guerre Mondiale la demande de montres suisses explose, mais elle porte surtout sur des montres économiques. Les fabricants de chronographes l'ont bien compris et se sont adaptés : si le Chronodato d'Angélus ou le Tricompax d'Universal ont du succès, c'est qu'ils sont aussi d'un prix abordable.
De plus, le plus gros fournisseur de calibres, Ebauches SA, à initié dès la fin des années 1930 le développement et la mise en production de calibres chronographe économiques, avec en particulier le développement des calibres sans roue à colonnes Landeron 47 et 48[1] (1939-1940), et le calibre économique Valjoux 77 ECO (1946).
Minerva (en fait Minerva Sport) étant une Manufacture n'avait pas accès aux calibres d'Ebauches SA[2]. André Frey et Maurice Favre, qui dirigeaient l'entreprise à cette époque, ont donc pris la décision de concevoir leur propre calibre économique. Le brevet[3] a été déposé en octobre 1944 mais il ne sera publié qu'en janvier 1948. Il porte sur un chronographe avec mécanisme simplifié, sans roue à colonnes, avec un embrayage vertical qui permet d'économiser des rouages, des ressorts-fils plus économiques, et même un ressort hélicoïdal pour le rappel du marteau, typique des compteurs de sport. On est très loin ici des superbes pièces polies et anglées des beaux Minerva 13-20 ! Le ressort hélicoïdal était d'ailleurs bien connu chez Minerva : son application dans les compteurs de sport avait été brevetée dès 1930.
Planche de mouvements des compteurs Minerva – 1949
Chronologie des différentes sociétés Minerva[4] :
– 1858 : H. et C. Robert Co.
– c. 1865 : Charles Robert
– c. 1906 : Fabrique des Faverges, Robert Frères.
– 1899 : Robert Frères.
– c. 1911 : la marque Minerva est réservée aux chronographes et compteurs de sport
– 1918 : Fabrique des Faverges, Robert Frères SA
– 1923 : Fabrique d'Horlogerie Minerva, Robert Frères SA
– 1929 : Fabrique d'Horlogerie Minerva SA. Directeurs : Paul-Arnold Schmid, Max-Georges et Georges-René Umiker
– 1935 : La société en liquidation est reprise par Charles Haussener et Jacques Pelot sous le nom Fabrique d'Horlogerie Minerva Sport SA.
– 1945 : André Frey et Maurice Favre directeurs
– 1989 : André et Jean-Jacques Frey directeurs
– 2000 : la société est reprise par la société financière italienne Hopa spa
– 2006 : la société est reprise par le groupe Richemont et intégrée à la société Montblanc
Brevet du calibre Minerva 52 – Publié en 1948
Extrait du Journal Suisse d’Horlogerie – 1949
Le calibre 52 a été présenté en 1949[5]. C'est un calibre de 13 ¾ lignes (31,00 mm). Il a été utilisé sous le nom Mercure et non Minerva. Mercure est une ancienne marque de la société, utilisée pour des montres plus économiques. D'abord orthographiée « Merkur », elle devient « Mercure » au tournant du 20ème siècle et désigne des montres ancre « extra bon marché », alors que Minerva est réservée aux montres à échappement cylindre. Ce n'est que vers 1911 que la marque Minerva sera réservée aux chronographes et compteurs.
Les chronographes Mercure équipés du calibre 52 ont tous un design assez semblable : diamètre d'environ 37,00 mm, cadran avec grands compteurs surdimensionnés, aiguilles et index simples ou au radium. Le plus souvent les boîtiers sont chromés ou plaqué or. Seul le fond est toujours en acier. Deux détails permettent de reconnaître un calibre 52 : le compteur est de 60 minutes, ce qui est très rare à cette époque à l'exception de Movado, et les poussoirs sont très éloignés de la couronne, ce qui est le cas aussi du calibre 13/20. Le compteur des minutes a les index classiques 3 min pour les conversations téléphonique, mais aussi un index à 45 min.
Chronographe Movado avec compteur 60 min
Le calibre 52 n'a probablement pas été fabriqué pendant longtemps. La mode des chronographes avec fonctions calendaires a contraint Minerva à utiliser des calibres Valjoux, et le déclin du chronographe dans les années 1950 a entraîné un renforcement de la gamme de montres automatiques et de compteurs.
Publicité de 1906
Publicité de 1945. Depuis 1935 le nom de la société était en effet Minerva Sport
[1] En 1951, pic de production du Landeron 48, il sera produit à plus de 260 000 exemplaires ! Source : Alfred Golay et Gérald Dubois, Dubois Dépraz, 90 années d’horlogerie compliquée, Editions Dubois Dépraz, 1991, p. 42
[2] Il y a toutefois un cas particulier avec les calibres Valjoux qui n'ont rejoint le trust Ebauches SA qu'en 1944. Les Manufactures qui utilisaient en partie des calibres Valjoux avant 1944 (c'est le cas de Minerva mais aussi de Rolex ou Patek Philippe) ont pu continuer à les utiliser après 1944.
[3] Brevet CH248256
[4] Sources : Davoine, La Fédération Horlogère (https://doc.rero.ch/?ln=fr), Revue Internationale d'Horlogerie, Journal Suisse d'Horlogerie, L'Impartial
[5] Journal Suisse d'Horlogerie, 1949